GARDER EN VIE LES CISTUDES DE MINORQUE
Les tortues qui vivent á Minorque sont de trois grands groupes : les tortues marines qui tournent autour de l'île et qui rarement trouvent une plage pour pondre. Celles qui vivent aussi autour de l'île, mais dans l'eau douce, sur les côtes, dans des étangs, marais, mares, embouchures de rivières, moins nombreuses à l'intérieur des terres, ce sont les cistudes d'Europe (Emys orbicularis gallo-italica). La tortue de terre, elle, Eurotestudo hermanii, est beaucoup plus dispersée, à l'intérieur de l'île. Ces deux espèces de Minorque sont pour l'essentiel venues d'Italie, introduites par les romains vers l'an 0. Les populations de tortues de terre se portent très bien car il n'y a pas de prédateurs, pas de sanglier, de renard, pas de blaireau... La cistude, elle, a un prédateur majeur, LE TOURISTE...
Et ses populations se portent, de mon point de vue, fort mal sur l'ensemble de l'île. L'invasion touristique a vraiment commencé, il y a plus de 25 ans, attirée par des paysages intacts, contrairement aux autres îles des Baléares et au label de 1993: "RÉSERVE DE LA BIOSPHÈRE". Partout, les touristes ont prélevé ces tortues qui venaient mordiller leurs pieds pour un peu de nourriture, se laissaient facilement capturer à l'épuisette, comme à Son Bou. Une cistude prélevée est un animal MORT. La première réaction du vacancier de retour sur le continent est de mettre la bestiole dans son jardin. 10 mn après, la cistude championne de l'évasion car elle peut franchir des grillages de 2m de haut, a disparu. Dans les semaines qui suivent elle est écrasée par une voiture. Le GOB considérait que la plus grosse population de Minorque était à Son Bou.
Seconde occupation des touristes, se loger... Il a fallu leur construire des résidences, moins d'hôtels qu'ailleurs aux Baléares, mais sans tenir compte d'un possible impact sur l'espèce. Exemple encore de Son Bou où l'essentiel des constructions se sont faites sur des collines face à la mer, au delà du marais de 2km de long et 200m de large... Mais sur les sites de pontes des cistudes... Une espèce qui ne peut plus se reproduire disparaît.
Troisième occupation des touristes, boire et se nourrir... Des conteneurs è détritus ont été installés partout dans les villes et villages, comme à Son Bou sur la route entre le marais des cistudes et les habitations. Sur les plages le nettoyage, n'a été mis en place que tardivement et avec difficultés pour les plus inaccessibles... Quoiqu'il en soit, les RATS se sont multipliés, rats qui accompagnent l'espèce humaine, plus on est nombreux plus ils se multiplient et il est difficile de les éradiquer dans un milieu naturel où on cherche à préserver toutes les espèces, comment ne détruire que les rats ?
L'impact des rats sur les populations de cistudes est considérable. La cistude se reproduit en mars, gestation, mai, juin et fin juin, les femelles pondent, quand elles ont encore des sites de ponte, l'incubation des œufs dure de juillet à août, éclosion en septembre... Or c'est le mois où les touristes retournent travailler sur le continent... Mois où les rats perdent leur source d'alimentation... Il leur reste les petites cistudes qui sortent de l'oeuf &àgrave; croquer, car leur carapace est encore molle...
Le journal Menorca a repris, il y a quelques années un exemple d'impact des rats sur les cistudes, il s'agissait de petites tortues, ce qui est souvent le cas pour les isolats de cistudes, mutilées par les rats qui leur avaient mangé une patte, la queue, les handicapant et précipitant leur disparition définitive. L'immense majorité des touristes est respectueuse de l'environnement, ne prélève pas de tortues et ramène ses détritus et mégots, trie ses déchets et les jette dans les containers correspondants... Mais il suffit d'un seul mégot pour mettre le feu comme sur le Cami d'Ets Alocs en 2006.
Quatrième occupation de certains touristes, le rejet dans la nature d'espèces envahissantes. Les raisons peuvent être de se débarasser d'un animal devenu encombrant, trop vorace, qui s'ennuie dans un aquarium trop petit ou expérimenter une acclimatation d'espèce exogène. A Son Bou qui a décidémment tout connu pour éliminer la cistude, il y a eu l'introduction de canards domestiques... Contre lesquels, le GOB à l'époque avait énergiquement protesté, en vain... Ailleurs, dans certains rio de l'intérieur, des écrevisses américaines ont été introduites. Lors d'une conférence è la Maison de la nature à Ferreriès, d'un scientifique de la péninsule qui étudiait cette espèce envahissante et qui utilisait la méthode "capture-recapture", je lui ai simplement dit "capture OUI, recapture, NON !". Tous les étangs du Nord de l'êle sont envahis par les tortues américaines à tempes rouges : Trachemys scripta elegans. Le GOB de Ciutadella, dès 2002 avait fait un inventaire à LA VALL et un rapport : une dizaine de Trachemys retirée du milieu pour le maintien d'une trentaine de cistudes. Le Consell Insular a repris cette politique de retrait des tortues américaines des zones d'eau oû elles sont en concurrence déloyale avec l'espèce locale.
La question majeure pour la survie de l'espèce à Minorque est la question des sites de pontes et l'existence observée, inventoriée des nouveaux-nés et juvéniles. La Trachemys considère comme proie tout petit animal dans l'eau de moins de 7cm de longueur ou de diamètre et qui s'agite... Au-delà, c'est une tortue. Les petites cistudes possàdent aussi, c'est encore un constat, un avantage irremplaçable pour l'espèce humaine, ce sont les meilleurs prédateurs "BIO" de larves de moustiques que l'on puisse rêver, elles ne mangent que cela et grossissent très vite.
On peut, bien sûr, sauver l'espèce comme cela se fait sur la péninsule et aussi en France. Mais il est nécessaire de se mettre autour d'une table, ne pas fuir le débat et la recherche de solutions. Le FINANCEMENT est toujours possible au niveau européen, voire à portée de main, mais bien ciblé sur le sauvetage de l'espèce, pas seulement le contrôle des flux touristiques si ceux-ci perdurent malgré le Covid 19... Les erreurs du passé sont à rectifier, un vrai contrôle sur les prélèvement et les espèces envahissantes, au départ et à l'arrivée dans l'île, y compris des sanctions, des études d'impact pour les permis de construire et des contraintes de conservation si l'espèce est menacée, des travaux de restauration des milieux.
L'existence en vie de cette espèce dite protégée, pose aussi la question de L'EAU DOUCE. Je rejoins complètement la position de nombreux agriculteurs de Minorque qui demandent au Consell Insular la construction de petits barrages partout, avec des matériaux qui respectent le patrimoine architectural afin de multiplier les réserves d'eau indispensables à l'élevage, à l'irrigation des cutures, et de façon très opportuniste, colonisables par les cistudes, éviter, que fort stupidemment, les pluies abondantes de l'automne et de l'hiver ne finissent systématiquement à la mer. Ceci en réponse aussi aux canicules et au réchauffement climatique que l'on constate chaque année un peu plus.
Alain Veysset
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